
Côte d’Ivoire : vers l’« âge d’or » de la cacaoculture ?
Lemandatexpress – Mercredi 1er octobre, devant une salle comble du Parc des expositions, le président de la République a fixé le prix bord champ du cacao à 2 800 F CFA le kilogramme. Un tarif historique, jamais atteint jusque-là, qui a déclenché une véritable explosion de joie parmi les producteurs.
Il y a à peine deux ans, le kilogramme de cacao se négociait à 1 000 F CFA en Côte d’Ivoire. Puis vinrent 1 800 F CFA en octobre 2024, 2 200 F CFA lors de la campagne intermédiaire, et aujourd’hui 2 800 F CFA. Une progression qui dépasse de loin les prévisions les plus optimistes.
« Nous, producteurs, sommes très, très contents… Ce prix va nous permettre de réaliser beaucoup de nos projets », s’exclame Traoré Lacina, cultivateur à Adoukoffikro.
Derrière ce sourire, on devine des années de labeur marquées par des vergers vieillissants, des maladies persistantes, des intrants coûteux et des revenus trop souvent incertains.
Pour Kouadio Kouakou Claude, producteur à Bonon, cette annonce sonne comme une revanche : « J’ai été surpris et ému par ce que le Président Ouattara vient de faire. » Une tonne de fèves vaut désormais 2,8 millions F CFA — de quoi assurer la scolarité des enfants, améliorer l’habitat, ou encore investir dans de nouvelles plantations.
Une volonté politique affirmée
Ce bond de prix n’est pas qu’un geste ponctuel. Il traduit une volonté claire du gouvernement : rééquilibrer la chaîne de valeur et redonner espoir à ceux qui sont au commencement de l’histoire di chocolat.
« Le producteur bénéficie aujourd’hui de 100 % du prix CAF, et cela grâce aux réformes courageuses que nous avons engagées ensemble », a rappelé le président Ouattara. Une déclaration confirmée par Doua Blondé, vice-président de l’Organisation Interprofessionnelle Agricole (OIA) : « Depuis son accession au pouvoir, le chef de l’État mis le monde agricole au cœur de ses priorités. Aujourd’hui, nos revenus nous permettent de vivre dignement, de scolariser nos enfants, de nous soigner. »
Mais la promesse devra se transformer en réalité palpable. Le vrai défi est là : garantir la qualité des fèves, la traçabilité, le paiement effectif et rapide, et surtout, le renouvellement des vergers pour que l’âge d’or ne soit pas qu’une parenthèse.
Le miroir ghanéen et le cas du Cameroun
Impossible d’évoquer le cacao sans regarder de l’autre côté de la frontière. Le Ghana, deuxième producteur mondial, a fixé pour 2025-2026 un prix de 51 660 cedis/tonne, soit environ 50,8 cedis/kg (équivalent à 2 400 – 2 600 F CFA, selon le taux de change). Une revalorisation jugée trop timide par nombre de producteurs ghanéens, au point que certains agitent la menace de contrebande vers la Côte d’Ivoire.
Au Cameroun, un rapport mentionne même un prix de 9,70 USD/kg (près de 5 800 F CFA), un record ponctuel attribué à la rareté et aux primes locales. Dans les pays où les prix sont plus « libres », la volatilité expose les producteurs à des montagnes russes : euphorie lors des hausses, désarroi lors des effondrements.
Face à ces écarts, la Côte d’Ivoire se positionne désormais comme la référence régionale. Mais cette place de leader peut aussi attirer son lot de défis : trafic transfrontalier, spéculation, pressions sur les marchés.
Un âge d’or… à construire
À écouter les planteurs, le soulagement est réel, l’enthousiasme palpable. Mais au-delà de la fête et des applaudissements, chacun sait que le chemin reste semé d’embûches. La transparence dans la chaîne d’achat, la lutte contre les prélèvements abusifs, la bonne gouvernance des coopératives et l’accès aux financements seront les véritables clés de ce tournant.
Si ces conditions sont réunies, alors oui, l’annonce du 2 800 F CFA marquera l’entrée de la Côte d’Ivoire dans un âge d’or de la cacaoculture. Un âge d’or non pas figé dans les discours, mais inscrit dans les champs, dans les villages, et surtout dans la vie quotidienne de millions de familles rurales.
Martial Galé































