
Présidentielle 2025 / Adama Bictogo sur France 24 : « Je suis un homme de mission… si le choix du président doit être ma personne, je répondrai à son appel »
Lemandatexpress – Dans un entretien accordé au confrère France 24, Adama Bictogo, maire de Yopougon et cadre du RHDP, s’est prononcé sur le processus électoral en cours en Côte d’Ivoire. Tout en assurant qu’Alassane Ouattara sera candidat à sa propre succession, au regard de son bilan et du souhait exprimé par ses militants, il s’est dit disposé à prendre le relais si besoin. Nous vous proposons en intégralité cette interview pleine d’enseignements sur l’actualité politique nationale et les relations bilatérales.
France 24 : On va évidemment parler de l’élection présidentielle d’octobre 2025. Alassane Ouattara a été désigné candidat à la présidentielle 2025 par votre parti lors du congrès le 22 juin. Mais il n’a pas encore confirmé si, oui ou non, il allait être candidat. Il a déclaré : « Je vous ai entendus, je prendrai dans les prochains jours une décision après mûre réflexion ». On est plus qu’à quelques jours, on est à deux semaines. Que se passe-t-il ? Est-ce que vous pensez que le président ne va pas y aller ?
Adama Bictogo : Merci. Je voudrais d’abord saluer la grande mobilisation des militants qui s’est exprimée non seulement pendant les pré-congrès et pendant le congrès le 21 juin. Et le RHDP a fait la démonstration de ce qu’il est le premier parti de Côte d’Ivoire. Ce congrès avait deux points essentiels. Le premier point, c’était de désigner le président Alassane Ouattara comme président du parti, parce que c’était le renouvellement des instances, ce qu’il a accepté. Donc il a été élu président du parti à l’unanimité.
Le deuxième point, c’était de présenter le président du RHDP comme candidat aux élections présidentielles d’octobre 2025. Effectivement, sur ce point, le président de la République, son Excellence Alassane Ouattara, a demandé que nous lui accordions quelques jours.
F24 : On est à plus que quelques jours.
AB : Il faut noter aussi que dans son discours, il a dit : « Je suis le président de tous les Ivoiriens ». Je veux donc vous faire noter que la date limite des dépôts des candidatures, c’est le 26 août. Donc je crois que quelques jours, on peut même aller jusqu’au 20 août pour qu’il s’exprime. Je ne pense pas que le temps soit un problème aujourd’hui en ce qui concerne l’annonce de sa candidature.
F24 : Vous êtes sûr, vous, qu’il va être candidat ?
Mais il n’y a pas de doute. L’ensemble des militants, aussi bien pendant le pré-congrès que le congrès, comme il se le voit, a réclamé sa candidature. Et cette candidature repose sur des faits. De 2010 à 2025, le président Alassane Ouattara a transformé de façon structurelle l’économie de la Côte d’Ivoire. Le président a transformé la Côte d’Ivoire.
Donc les fondamentaux au plan économique sont tels qu’aujourd’hui, nous, RHDP, avons pensé que nous devons nous installer dans la continuité, la stabilité, pour une paix durable et un développement. Vous savez, sans développement, il n’y a pas de paix. Mais sans paix, il n’y a pas de développement.
F24 : Pourquoi ce point d’interrogation ? Est-ce que vous vous posez la question : Est-ce qu’il ne va pas y aller ? Est-ce qu’il y a en effet la possibilité qu’il n’y aille pas ? Et que se passe-t-il dans ce cas-là ? Parce que lors du scrutin précédent, il avait préparé sa succession. Là, il n’y a personne.
AB : Mais il n’y a pas de doute. En ce qui me concerne, si vous voulez mon avis personnel, il va y aller. Je peux vous assurer que monsieur Alassane Ouattara sera donc candidat, bel et bien candidat, en octobre 2025.
F24 : Si jamais vous vous trompez, qu’est-ce qui se passe ? Ça affaiblit le parti. Ça veut dire que les ambitions vont se déclarer. On parle peut-être du vice-président, du Premier ministre, de Patrick Achi, peut-être vous ?
AB : Vous savez, nous avons un parti organisé (…) Le président a été élu président du parti. Il y a un parti. Et vous m’avez cité des personnalités. Ce sont des personnalités effectivement qui comptent. Et le président l’a toujours dit, dispose en son sein des cadres, des gros cadres. Au moment venu, vous savez, nous avons un président qui se projette toujours. Je reste convaincu que le président, en lui-même, dispose en son sein, par lui-même, les différents scénarios. Donc moi, je n’ai pas d’inquiétude quant à toute possibilité qui pourrait souffrir RHDP.
Mais je peux vous garantir et vous assurer que le président sera bel et bien candidat en octobre 2025.
F24 : Si jamais votre diagnostic est faux, est-ce que vous, vous pourriez imaginer une candidature ou vous l’excluez totalement ?
AB : Si jamais le président venait à ne pas être candidat, j’appartiens au RHDP. Et depuis près de 32 ans, j’ai toujours été un homme de mission. Le président m’a toujours confié des missions et je les ai toujours accomplies. L’une de ces missions, c’est bien la mairie de Yopougon, quartier que je n’ai jamais habité, mais qui répondait plus de l’opposition, fief de Laurent Gbagbo.
Mais le président m’a envoyé en mission et j’ai gagné. Il m’a envoyé en mission à l’Assemblée nationale, j’ai été élu à 99 %. Donc à chaque fois que de besoin, je réponds à ses appels.
Si le président considère que pour telle ou telle mission, je suis l’homme de la mission parce que la compétence ne vaut que par l’enjeu et le contexte. Si le contexte et l’enjeu fondent que le choix du président doit être ma personne, je répondrai à son appel. Donc je suis un homme de mission aux côtés du président Alassane Ouattara.
F24 : Le contexte électoral est tendu. Les principaux candidats, Tidjane Thiam, Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, ne peuvent pas être candidats. Cela crée beaucoup de frustrations chez eux, d’inquiétude dans le monde parce qu’on se dit que cette élection ne va pas être inclusive et pourrait à nouveau créer des tensions, voire de la violence. L’histoire de la Côte d’Ivoire, à ce niveau-là, est évidemment préoccupante. Est-ce que ce sera une mauvaise élection en raison de l’exclusion des principaux candidats ?
AB : La qualité de l’élection, elle est fondée sur le taux de participation, d’une part, la transparence de l’élection pour l’annonce de résultats fiables.
Donc il faut dissocier la qualité de l’élection et de ceux qui doivent y participer. Vous avez cité ceux qui ne participent pas. Permettez qu’en tant que président de l’Assemblée nationale, je sois respectueux de la séparation des pouvoirs.
Tout ce que vous avez cité, pour certains, sont frappés d’interdiction de faire valoir leurs droits civiques. Et pour Tidjane, c’est la loi de 1961. Donc ce n’est pas une loi dédiée, c’est une loi qui existait.
F24 : Qui n’a jamais été utilisée. Sauf pour lui.
AB : Qui n’a jamais été utilisée… C’est un peu comme certaines maladies. Vous savez, parfois, il y a des gens qui ont des maladies et qui représentent peut-être 1 % dans la population mondiale.
F24 : Mais vous comprenez bien la perception que ça a ? On a l’impression qu’on élimine.
AB : La perception est une chose, la loi en est une autre.
F24 : Ça ne vous inquiète pas, la perception ?
AB : Absolument, on ne peut pas être un homme politique sans tenir compte de la perception. Mais ce que je veux dire, le président Alassane Ouattara, ni le gouvernement, ni le pouvoir en place, n’est à la base de l’impossibilité du président du PDCI-RDA Tidjane Thiam à s’inscrire sur la liste électorale.
F24 : Lui dit le contraire.
Non, il s’est trouvé qu’il a été frappé par la loi de 1961. Loi qui a été prise du temps du président Houphouët-Boigny, dont il est le petit-fils. Donc, je considère qu’accuser le gouvernement et le président Alassane Ouattara d’exclusion de certains candidats, je dis non, il y a le respect de la loi.
Maintenant, pour terminer, je voudrais dire que le président peut apprécier. Si le contexte politique impose qu’il y ait, parce qu’il y a une forte tension – ce n’est pas le cas, moi je ne vois pas de tension en Côte d’Ivoire, je ne vois pas de grandes préoccupations. Ce que je veux dire, c’est que si naturellement, le pays se retrouvait dans une situation de tension très forte, en tant que président de la République, il a bâti pendant ces 15 ans la transformation de la Côte d’Ivoire autour d’éléments fondateurs tels que la paix, la stabilité, la cohésion sociale. Donc, il n’y a pas de meilleure personnalité que le président pour maintenir cette stabilité et la paix.
F24 : Dernière question, vous étiez ici en France, l’Assemblée nationale française a voté à l’unanimité un texte de loi prévoyant la restitution du tambour-parleur qui avait été saisi en 1916 durant la période coloniale. Est-ce que c’est juste un geste ou est-ce que vous pensez que ça va ouvrir peut-être des perspectives pour des restitutions pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique ?
AB : Oui, je voudrais d’abord dire qu’à l’occasion de l’Assemblée parlementaire francophone, cette visite officielle a permis effectivement de bénéficier et d’obtenir ce document juridique relevant d’une loi adoptée par l’Assemblée nationale, montrant ainsi que l’excellence des relations entre nos deux pays et entre nos deux chefs d’État a permis le retour de ce tambour-parleur qui est une symbolique, qui montre qu’en fait, il y a certaines institutions, mais il y a le respect de nos cultures. Ce tambour est l’expression d’une des cultures de la Côte d’Ivoire.
Donc nous souhaitons effectivement que ce retour du tambour-parleur soit donc le début d’une restitution organisée de l’ensemble de tous nos biens qui se trouvent, ici, culturels, en France. Mais je voudrais une fois de plus saluer cette relation que nous entretenons avec la France. Nonobstant les mutations qui se font dans nos pays, il est bon qu’en plus de l’excellence de ces relations, que nous puissions revisiter certains supports qui fondent nos relations.
Et cela va avec l’évolution des choses. Nous sommes dans un nouvel ordre géopolitique, dans un nouvel ordre politique mondial. Donc il est plus que bon que nous renforcions le multilatéralisme, que nous renforcions le bilatéralisme.
Et comme vous le savez, la Côte d’Ivoire et la France entretiennent bien des relations historiques et culturelles très soutenues. Et nous pensons que pour la France et pour la Côte d’Ivoire, pour les générations à venir, il est bon souvent, à chaque fois, chaque dizaine d’années, de revisiter certaines conventions pour que justement nous puissions épouser le nouvel esprit qui habite l’ensemble de la génération des deux peuples.
Source : France 24
NB : Le titre et le chapeau sont de notre rédaction.































