
An 10 de l’indépendance : 1970 Gagnoa : Il y a eu fête, fête et fête
Lemandatexpress – A l’occasion du 10e anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, Gagnoa est entrée dans l’histoire. Témoins d’hier, les habitants racontent encore aujourd’hui ce que cette fête tournante a laissé dans les cœurs et dans la ville.
Sous un soleil éclatant, Étienne Groubri, ancien agent de la Satmaci rencontré le 22 juillet, au quartier Babré de Gagnoa, revit chaque détail.
En 1970, il n’était qu’un jeune technicien agricole de 24 ans, mais il se souvient avec fierté du rôle qu’il a joué dans les préparatifs de cette fête nationale.
« On a réaménagé les bas-fonds agricoles de Gagnoa, creusé des canaux, semé du riz. Le résultat était magnifique. Tout le riz avait la même hauteur, c’était un véritable tableau naturel », raconte-t-il avec émotion.
Le secteur agricole n’a pas été le seul à s’illustrer. Chaque métier avait son char, son tableau vivant dans le défilé ce jour-là. Le vieil Étienne, lui, a participé à celui du riz, présentant les étapes de la croissance du grain, sous les applaudissements d’un public émerveillé, selon ses dires.
Dans une ville en effervescence, les efforts se sont conjugués pour rendre agréable ce moment. Ainsi, se souvient le doyen : menuisiers, mécaniciens, ouvriers de tous les métiers ont préparé l’événement avec passion.
Pour beaucoup de personnes
sonnes rencontrées, c’était plus qu’une fête le 7 août. C’était l’occasion de montrer au pays et au Président Félix Houphouët-Boigny, le savoir-faire de Gagnoa. C’était aussi un moment d’unité, de réconciliation, comme le souligne le ministre-gouverneur Louis André Dacoury-Tabley.
« Ce n’était pas juste une fête. C’était un moment de réconciliation nationale », précise-t-il.
Défilé d’une vie
Le 7 août 1970, Gagnoa a vibré comme jamais et le Président Houphouët-Boigny était là, assis aux côtés de Philippe Grégoire Yacé.
Toutes les corporations de la ville étaient, selon les témoignages, prêtes pour le défilé. Étienne Groubri, ancien agent de la Satmaci, se souvient de la tribune officielle, des forces de l’ordre impeccablement alignées, des anciens joueurs du Sporting Club de Gagnoa et des « Onze Frères », vainqueurs du championnat de 1959.Ils portaient ce jour-là précisé le natif de Babré, un maillot bleu-rouge, salués par une foule en liesse.
Contrairement à Étienne Groubri, c’est un autre détail qui a marqué à jamais Ousmane Salif N’Diaye, alors jeune garçon de 19 ans. « Mon regard était scotché sur les gendarmes. Leur démarche martiale, leurs souliers recouverts de protections blanches… C’était magnifique », dit-il avec les yeux encore émerveillés.
Hormis l’armée, il se rappelle les femmes venues des nombreux villages de la sous-préfecture qui, bien qu’épuisées par l’attente, ont défilé avec fierté. « Certaines n’arrivaient même plus à lever la main pour saluer le Président, mais sur leur visage, on lisait la joie », se remémore-t-il. Avant d’ajouter que le défilé fut suivi d’une soirée inoubliable avec les tambours bétés, les chansons, les veillées dans les quartiers.
Des retombées inestimables pour les populations
Comme c’était le cas partout où l’indépendance fut célébrée à l’époque, les retombées furent immenses pour La ville de Gagnoa au point qu’Étienne Groubri les énumère avec nostalgie. « On a bitumé des artères, construit la résidence présidentielle au quartier Libreville, édifié le stade Biaka Boda, l’hôtel Fromager. Gagnoa s’est transformée dans ce laps de temps », note le doyen qui ne manque pas de reconnaître que ce développement a donné à la ville une stature nouvelle.
Pour Adama Ballo, directeur de la mosquée de Gagnoa, c’est grâce à Léon Konan Koffi, préfet d’alors, que la ville a connu ce boom. « Le jardin, la mairie, le château d’eau, la préfecture… tout cela vient de l’an 10 de l’indépendance qu’il a organisée avec beaucoup de professionnalisme », soutient l’Imam pour qui, à l’époque, la fête tournante se présentait comme un accélérateur de développement. « Elle permettait aux villes d’obtenir ce que des décennies de demandes n’auraient pu offrir », révèle-t-il.
Des retombées inestimables pour les populations
L’histoire reste encore vive pour les populations qui souhaitent que cette célébration tournante reprenne. « C’était plus qu’une fête. C’était un honneur, une reconnaissance, un élan pour le développement », insiste Étienne Groubri. Même espoir chez Louis André Dacoury-Tabley pour qui « Si l’État veut renouer avec cette dynamique, il faut foncer. Cela renforcerait les liens entre les territoires et la République ».
Quant à Ousmane Salif N’Diaye, il regrette que cette célébration se soit arrêtée. « Pour nous, c’était la première fois qu’on voyait deux grandes avenues bitumées. Ces fêtes faisaient grandir chaque ville qui les accueillait. »
Elles ont laissé des souvenirs impérissables, une empreinte dans les cœurs. À Gagnoa, ces souvenirs ne sont pas de simples images du passé. Ils sont des appels à la mémoire collective, à l’équité territoriale et à l’unité retrouvée.
Source Fraternité Matin































