
Réélection d’Alassane Ouattara: Entre vieux routiers et nouveaux visages, les équilibres internes du parti présidentiel
Lemandatexpress – Réélu largement le 25 octobre, avec plus de 89 % des suffrages, le président Alassane Ouattara entame son quatrième mandat dans un climat où les attentes sont fortes, y compris au sein de sa propre famille politique. Alors que la campagne des législatives prévues fin décembre s’annonce, les discussions internes au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) sont déjà engagées selon Jeune Afrique, autour de la question sensible du renouvellement des cadres.
Dès le lendemain de sa victoire, le 28 octobre, le chef de l’État recevait l’ambassadeur d’Italie en fin de mission. Au même moment, ses proches collaborateurs initiaient les premiers arbitrages pour la constitution des listes en vue des législatives. Après une séquence électorale marquée par la crainte de tensions et un dispositif sécuritaire renforcé, le pouvoir veut ouvrir une nouvelle étape. Mais elle ne sera pas sans défis.
Dans les rangs de la majorité, certains militants de longue date estiment que leur engagement n’a pas été suffisamment récompensé. C’est le cas d’Issouf, chauffeur routier, soutien de la première heure. Au volant, sur le boulevard lagunaire du Plateau, il contemple les symboles de la modernisation d’Abidjan, la future tour F, le pont à haubans inauguré en 2023, mais ne s’y reconnaît pas.
« Nous, les transporteurs, l’avons porté jusqu’à la victoire », affirme-t-il.
« Regardez, l’argent circule, mais pas chez nous. »
Il regrette notamment la décision, prise en 2018, de restreindre l’importation des véhicules d’occasion, qu’il juge pénalisante pour les petits acteurs du transport.
Un proche du président reconnaît ces frustrations : « On attend toujours plus d’un bon élève », confie-t-il. Selon lui, il entend les préoccupations des électeurs proches du parti au pouvoir, le RHDP.
« Ils savent qu’il s’agit du dernier mandat du président, c’est pour cette raison que les attentes sont aussi fortes », poursuit cette source.
Il faut souligner que bien qu’Alassane Ouattara soit réélu à 89,77 % des suffrages à la présidentielle du 25 octobre, le taux d’abstention a été très fort (près de 50 %) et une certaine lassitude a gagné une partie de ses sympathisants.
Le délicat équilibre du renouvellement
À l’approche des législatives du 27 décembre, la question du renouvellement des candidatures agite le parti. De nombreux jeunes cadres aspirent à prendre la relève, tandis que certains barons historiques refusent de s’effacer. Ainsi, les arbitrages qu’il faudra faire dans la perspective des élections législatives du 27 décembre s’annoncent comme un délicat jeu d’équilibre. Car, d’un côté, Alassane Ouattara ne peut ignorer ces cadres et militants qui espèrent un « renouvellement » ; de l’autre, il lui sera difficile de tordre le bras à cette vieille garde qui rechigne à s’effacer.
C’est notamment le cas de Mamadou Diawara, doyen des députés du RHDP et figure du RDR depuis ses origines.
« Il n’entend pas s’en aller. Un de nos jeunes est allé le voir pour lui confier son envie de se présenter dans sa circonscription, il a refusé », rapporte un cadre du parti.
La clôture du dépôt des dossiers est fixée au 12 novembre.
Du côté de la direction, on assure vouloir tenir compte des aspirations nouvelles :
« Nous trancherons sur la base de l’efficacité, en prenant en compte l’envie de la jeunesse de nous représenter », affirme-t-on au sein du RHDP.
Cependant, ce renouvellement ne s’accompagnera pas d’une ouverture politique plus large. Le gouvernement doit certes être remanié après les législatives, mais l’idée d’un gouvernement d’union nationale est écartée. Alors qu’il avait placé Kouadio Konan Bertin (KKB), seul adversaire à avoir disputé l’élection présidentielle en 2020, au ministère de la Réconciliation avant de le nommer ambassadeur au de la Côte d’Ivoire au Gabon.
« Le président n’y croit pas », explique un membre de son entourage.
« Les intérêts des uns et des autres sont trop divergents. Le principal, pour lui, est de s’entourer de gens compétents», ajoute-t-il.
Une opposition affaiblie, mais en quête d’espace
Arrivé deuxième avec 3,09 % des voix, Jean-Louis Billon a appelé, après le scrutin, à « l’union » et au « rassemblement ». Simone Ehivet Gbagbo, troisième, a pour sa part renouvelé sa demande d’« ouverture d’un dialogue national inclusif » et défendu l’idée d’une loi d’amnistie permettant le retour politique de Laurent Gbagbo.
Selon Jeune Afrique, Alassane Ouattara aurait téléphoné à Laurent Gbagbo pour l’informer de sa décision de se représenter avant l’élection. Si l’ancien président en avait pris acte, la rencontre proposée n’a pas abouti, Laurent Gbagbo invoquant son état de fatigue.
Une séquence charnière
Le RHDP aborde les prochaines échéances avec un net avantage, mais aussi un défi stratégique : comment renouveler sans fracturer ? La capacité du président à répondre à cette attente interne, tout en consolidant sa majorité, pourrait bien conditionner la dynamique politique de son quatrième mandat.
Abran Saliho avec Jeune Afrique































