
Côte d’Ivoire : une semaine politique sous haute tension entre victoire présidentielle, luttes internes et contestations
Lemandatexpress – La scène politique ivoirienne a connu une semaine d’une intensité rare, marquée par la proclamation officielle de la victoire d’Alassane Ouattara à la présidentielle du 25 octobre, l’arrestation de figures de l’opposition, les premières manœuvres pour les législatives de décembre et la naissance annoncée d’un nouveau mouvement d’opposition.
Entre félicitations, tensions et recompositions, le pays s’installe dans une période décisive pour son avenir politique.Ouattara réélu dès le premier tour : la victoire officielle et les réactionsLe mardi 4 novembre, le Conseil constitutionnel a proclamé la réélection du président Alassane Ouattara avec 89,77 % des suffrages exprimés et une participation de 50,1 %.
Dans sa déclaration, la présidente de l’institution, Chantal Camara, a souligné la régularité du scrutin, estimant qu’aucune irrégularité majeure n’avait été relevée. Peu après, le chef de l’État a adressé un message d’unité et de reconnaissance à ses compatriotes :« Cette victoire est celle d’un peuple qui a choisi d’avancer, d’une grande Côte d’Ivoire prospère et solidaire », a-t-il affirmé sur sa page Facebook.
À l’international, le président français Emmanuel Macron a félicité son homologue ivoirien, saluant la stabilité du pays et la continuité du partenariat entre Paris et Abidjan. Opposition : le PPA-CI de Laurent Gbagbo rejette les résultatsEn revanche, le Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) a vigoureusement contesté les résultats. Dans une série de déclarations publiées les 5 et 6 novembre, le parti a dénoncé un « coup d’État civil » et refusé de reconnaître la légitimité du président réélu. Le Comité central du PPA-CI a, dans la foulée, annoncé le boycott des élections législatives prévues pour décembre 2025, dénonçant « l’absence de conditions d’élections crédibles » et « un climat de répression ».
L’arrestation de Damana Pickass ravive les tensionsAutre fait marquant : l’interpellation du vice-président du PPA-CI, Damana Adia Pickass, le 4 novembre à Bingerville. Accusé d’« appels à l’insurrection » et de « participation à un mouvement insurrectionnel », il a été déféré à la Section antiterroriste du Tribunal d’Abidjan.Le Procureur Koné Braman a confirmé l’ouverture d’une information judiciaire pour des chefs d’accusation graves, allant de la détention d’armes à la conspiration contre l’État.L’opposition et plusieurs acteurs politiques, dont Ahoua Don Mello, ont exigé le respect des droits de la défense.Le RHDP déjà tourné vers les législativesDu côté du pouvoir, la victoire présidentielle a aussitôt ouvert la voie à la bataille des législatives. Le Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) a dévoilé la liste de ses candidats pour la conquête des 255 sièges de l’Assemblée nationale. Parmi eux figurent plusieurs membres du gouvernement : le Premier ministre, Bugré Mambé à Songon, le président de l’Assemblée à Yopougon, et Téné Birahima Ouattara, frère du chef de l’État, désigné tête de liste à Abobo. La présidente du Sénat, Kandia Camara, a confirmé qu’elle ne se représenterait pas, mais qu’elle piloterait la campagne du RHDP à Abobo, signe d’une stratégie d’unité autour du président Ouattara. Cependant, des frictions internes apparaissent déjà dans certaines localités, notamment à Adjamé et Biankouma.PDCI-RDA : recomposition et alliance en vuePendant ce temps, le PDCI-RDA poursuit sa restructuration sous la houlette de Tidjane Thiam. Après un remaniement interne le 31 octobre, l’ancien secrétaire exécutif Emmou Sylvestre a été nommé conseiller spécial du président du parti.Ce samedi 8 novembre, le député Doh Simon a annoncé la création imminente d’un nouveau cadre de rassemblement baptisé Rassemblement des Ivoiriens pour la Démocratie (RID), regroupant le PDCI et plusieurs acteurs de la société civile.Ce mouvement vise à fédérer les forces d’opposition dans la perspective d’un nouveau front démocratique.Renouvellement politique et voix de la jeunesseSur le terrain, plusieurs figures ont annoncé leur retrait ou leur non-candidature.L’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan (FPI) a déclaré qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat à l’Assemblée nationale, privilégiant le renouvellement générationnel. Son successeur désigné à Bongouanou, Diby Kokora Bernard, incarne cette volonté de transmission. Dans les communes urbaines, notamment à Abobo et Adjamé, les jeunes militants appellent de plus en plus à une recomposition du paysage politique et à l’émergence de nouveaux visages.Vers une recomposition du paysage politique ivoirienEntre un pouvoir qui consolide sa domination, une opposition fragilisée mais mobilisée, et de nouveaux mouvements citoyens en gestation, la Côte d’Ivoire entre dans une phase de reconfiguration politique majeure. L’échéance des législatives de décembre 2025 s’annonce décisive, non seulement pour confirmer l’hégémonie du RHDP, mais aussi pour mesurer la capacité de l’opposition à se réinventer et à peser dans le débat national.Hilaire Gueby































