
Contribution / Côte d’Ivoire: L’article 48 du Code de la nationalité et la question des binationaux
Lemandatexpress – Le débat sur la nationalité ivoirienne refait surface à chaque échéance électorale, notamment avec la participation de certains membres de la diaspora soupçonnés d’avoir acquis une seconde nationalité. L’article 48 du Code de la nationalité ivoirienne stipule clairement :
« Perd la nationalité ivoirienne, tout Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une autre nationalité. »
En clair, tout Ivoirien devenu majeur et ayant volontairement acquis une autre nationalité est juridiquement déchu de sa nationalité ivoirienne, sauf en cas de réintégration ou d’autorisation préalable. Pourtant, il est fréquent de voir des binationaux se présenter à des élections en Côte d’Ivoire, bénéficiant de documents administratifs ivoiriens. Faut-il y voir une ignorance générale de la loi ou une tolérance tacite des autorités compétentes?
Comme le dit l’adage populaire : « Tous les oiseaux mangent du mil, mais c’est celui qu’on attrape qu’on appelle mange-mil. » Ce principe illustre bien la réalité du contentieux électoral en Côte d’Ivoire, où seuls ceux qui sont dénoncés ou pris sur le fait sont inquiétés.
C’est le cas du député Assalé Tiémoko, qui avait dénoncé la présence de personnes inscrites irrégulièrement sur les listes électorales. Toutefois, pour que l’article 48 soit appliqué, il faut une décision de justice. La preuve de la double nationalité ne peut être simplement alléguée ; elle doit être établie, notamment par la présentation d’un décret ou certificat de naturalisation étrangère.
Éclairages d’un juriste ivoirien sur le cas des binationaux
Un juriste ivoirien apporte des précisions utiles sur la portée de l’article 48 :
« Il faut distinguer deux types de binationaux : ceux qui le deviennent de plein droit par la naissance ou la filiation, et ceux qui acquièrent une seconde nationalité à l’âge adulte. »
• Premier cas : des personnes nées d’un parent étranger, donc binationaux dès la naissance sans démarche volontaire de leur part (exemples : Sébastien Haller, Désiré Doué).
• Deuxième cas : des individus devenus binationaux pendant leur minorité, souvent par le droit du sol, comme en France (exemples : Yaya Fofana, Sékou Fofana, Ndicka, Nicolas Pépé, Willy Boly, Jonathan Bamba, etc.).
Ces catégories ne sont pas concernées par l’article 48, car la nationalité étrangère n’a pas été acquise de manière volontaire à l’âge adulte. En revanche, les Ivoiriens majeurs qui, de leur propre volonté, ont acquis une autre nationalité, sont bel et bien concernés par cette disposition légale.
Un problème de traçabilité administrative
Dans les faits, l’application de l’article 48 se heurte à une réalité administrative : l’absence de fichier centralisé recensant les naturalisations étrangères. Ainsi, les autorités ivoiriennes – y compris les juges, les commissions électorales et les préfectures – délivrent des pièces d’identité à ces binationaux sans avoir connaissance de leur changement de statut juridique.
Autrement dit, tant qu’un requérant ne présente pas un acte officiel (comme un décret de naturalisation), il passe entre les mailles du filet. Ce vide administratif empêche une application rigoureuse de la loi.
La problématique des binationaux met en lumière les lacunes de notre système de contrôle de la nationalité et interroge sur l’équité du processus électoral. Désormais, les acteurs politiques devront être plus vigilants sur ces questions, surtout dans un contexte de compétition accrue dans les circonscriptions. Le respect de la légalité commence par une meilleure connaissance du droit… et par une volonté politique d’en garantir l’application.
Philippe Kouhon, journaliste, consultant en communication et analyste politique






























