
Présidentielle 2025: Don Mello, les dessous d’un forcing auprès de Gbagbo…
Lemandatexpress – Au sein d’une formation du PPA-CI où la candidature de Laurent Gbagbo est non négociable, Ahoua Don Mello veut plus ou moins forcer le verrou, proposant une alternative. Tout naturellement, cela donne lieu à une passe-d ’armes, symbole d’un malaise ambiant.
Tout semblait fonctionner parfaitement au PPA-CI, suivant la cadence imprimée par Laurent Gbagbo et parfaitement exécutée par ses partisans, jusqu’à ce que, comme un gravillon dans la mécanique, Ahoua Don Mello ne vienne introduire sa proposition auprès du Woody de Mama.
Une démarche portant sur l’idée d’une candidature alternative à celle de Laurent Gbagbo, empêché de concourir à la présidentielle d’octobre en raison de sa radiation des listes électorales. La question demeurait taboue, comme le souligne Jeune Afrique dans l’analyse consacrée à l’émergence d’un potentiel plan B au sein du parti socialiste.
Pas question de l’évoquer, du moins officiellement, au risque de fâcher le patron du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), selon le média panafricain. « Il y a des gens qui cherchent des plans B, C, D… Pourquoi pas un plan Z ? Le seul plan, c’est Gbagbo ! » insistait déjà l’ancien chef de l’État, le 23 novembre 2024, depuis Mama, son village natal. C’est peu dire que l’initiative d’Ahoua Don Mello, vice-président du parti, chargé de la promotion du panafricanisme, a eu l’effet d’un coup de tonnerre.
Celui qui est aussi le représentant de l’Afrique centrale et de l’Afrique occidentale auprès des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et vice-président de l’Alliance internationale des Brics, a été reçu, le 29 juin, au domicile de l’ex-président, à Abidjan.
Dialogue avec Nady Gbagbo
En attendant que Laurent Gbagbo se rende disponible, il a échangé trois heures durant avec l’épouse de celui-ci, Nadiany Gbagbo, dite Nady. Don Mello a ensuite remis à son mentor un document « strictement confidentiel ». Présenté comme « une note de réflexion sur la stratégie du parti pour les élections de 2025 au vu du contexte actuel », ce texte incite Gbagbo « à demander que l’on initie le débat avec les différents responsables du PPA-CI ».
Le fameux courrier a finalement fuité dans la presse ivoirienne, le 11 juillet. « Étant donné que tu as engendré plusieurs Gbagbo capables de relever le défi, je propose que tu autorises, en plus de ta candidature, deux ou trois autres camarades à déposer leurs dossiers […], et qu’une convention extraordinaire puisse choisir le candidat du parti parmi ceux qui passeront le filtre du Conseil constitutionnel », écrit Ahoua Don Mello à Laurent Gbagbo avant de préciser qu’il s’agirait de « candidatures de précaution », au cas où celle de l’ancien président ne ferait pas l’objet d’une « solution politique ». Il faut « éviter de répéter la politique de la chaise vide au risque […] de perdre toute influence sur la scène politique », ajoute le vice-président du PCA-CI.
Le tacle de Dano Djédjé
L’affaire prend très vite de l’ampleur. Certains prêtent à Ahoua Don Mello l’intention de créer son propre mouvement le 19 juillet pour se lancer dans la course en tant que candidat indépendant. Des rumeurs « sans fondement », jure l’intéressé à Jeune Afrique. « Ce ne sont que des ragots, de la manipulation. À trois mois de l’élection, il serait absurde d’inventer une structure alors que nous avons passé quarante années de notre vie à bâtir un parti présent sur tout le territoire national comme à l’international, et qui dispose d’une organisation robuste. L’essentiel, c’est de capitaliser sur ce que nous avons bâti et d’instaurer un véritable débat interne. »
Deux jours plus tard, le 13 juillet, le PPA-CI réagissait vivement, par la voix de son président exécutif, Sébastien Dano Djédjé. « Aucun courrier n’a jamais fuité de la présidence du PPA-CI, le processus de réception et d’enregistrement étant strict. Cette lettre n’était pas portée à la connaissance des instances […]. Le PPA-CI travaille activement à la collecte des parrainages, et a déjà reçu à cet effet les kits de parrainage de son candidat. Il n’y a donc ni plan B, ni plan de précaution. »
« Le Comité central et la convention ont confirmé la candidature unique de Laurent Gbagbo. Aucune lettre n’a été reçue au siège, puisqu’un accusé de réception est obligatoire. Jusqu’à preuve du contraire, la discipline et l’ordre interne priment : la candidature Gbagbo n’est plus négociable, abonde Me Habiba Touré, avocate et porte-parole de l’ancien président. L’heure est à la collehte des parrainages. La seule institution apte à statuer sur la recevabilité des candidatures, c’est le Conseil constitutionnel. Il n’est pas question de bouleverser la stratégie du parti à partir d’une fuite ou d’une interprétation individuelle. »
Don Mello doit « s’exprimer clairement et sans aucune ambiguïté, soit sur les réseaux sociaux, soit dans le cadre d’une interview claire et précise », exige Habiba Touré.
Proche de l’AES
« On joue sur les mots. Il s’agit bien d’une note interne, un support de discussion parfaitement conforme à la tradition du parti, chaque vice-président pouvant transmettre par écrit ses positions au président, assure Don Mello. J’ai simplement voulu, à ce moment clé, attirer l’attention sur nos différentes options après la publication de la liste électorale définitive. »
Au cours de l’année 2023, Ahoua Don Mello s’est employé à resserrer les liens entre les Brics et l’Alliance des États du Sahel (AES). Il a rencontré le président nigérien Abdourahamane Tiani, le 29 janvier, à Niamey, et son homologue burkinabè, Ibrahim Traoré, le 3 mai à Ouagadougou. Il a par ailleurs conduit une mission officielle auprès d’Adama Barrow, le président gambien, à Banjul, entre le 2 et le 6 octobre. Fervent panafricaniste, Don Mello entretient des relations privilégiées avec Moscou (il a même été consultant auprès du patronat russe) et encourage le dialogue avec l’AES, ce qui est en cohérence avec l’idéologie du PPA-CI.
« Le panafricanisme n’est pas un slogan, c’est une réalité, avait déclaré Laurent Gbagbo lors du lancement de son parti, en octobre 2021. Quand vous avez une certaine taille, petite, et que vous n’avez que du cacao à proposer, vous ne bandez pas les muscles devant les gens. Il faut ouvrir les yeux […]. Aujourd’hui, l’Afrique et l’Amérique latine sont encore fragmentées. C’est pourquoi il faut que les États africains s’unissent, et que le PPA-CI fasse appel aux autres partis progressistes pour former une union. »
Sans viser une rupture de ban avec l’ancien chef de l’État, Ahoua Don Mello semble pourtant parti pour bousculer l’ordre. Son acte fait déjà des émules. À l’image notamment de Ahilé Ferdinand, Secrétaire national, qui le soutient fermement.
MG avec Jeune Afrique
NB: le titre, le chapeau, l’introduction et la chute sont de notre rédaction.































